L'ascension du Huayna Potosi 6088m

Publié le par Jean-Baptiste

Vendredi 2 septembre

Tour des agences de trekking en vue de l’ascension du Huayna Potosi 6088m, après douche  revigorante. Nous décidons de partir avec Huayna Potosi Travel. Consultation météo peu favorable sur le début de semaine donc précipitons un peu le départ. Dîner exquis steak de lama aux herbes et Cabernet Sauvignon au Tampo Colonial.

Rdv le lendemain avec guide à 12h. Arrivée au camp de base à 4780m. Déjeuner excellent et copieux puis balade d’acclimatation jusqu’au glacier. On se sent tout petit devant l’immensité de cette montagne de 6088m. Dîner au coin du feu puis mate de coca.

Demain, départ 11h pour le camp 2. Dîner à 16h. Puis lever 1h pour phase finale de l’ascension… On appréhende quand même un peu…

Nous préparons notre équipement pour le lendemain. La nuit n'est pas si reposante : c'est difficile de dormir a 4780m.  

 

Dimanche 4 septembre, 11h du matin : départ pour le camp 2 situe a 5150m. Nous trimbalons notre équipement, sac de couchage, bouffe, piolet, crampons, corde dans notre sac a dos de 70 L. La montée au camp 2 n'est pas difficile, mais nous sommes chargés comme des mulets (de 10 à 15 kilos) et ça finit par peser... Nous longeons la moraine du glacier et remontons l'éperon rocheux sur lequel est situé le camp 2. Nous avons de la chance : nous ne dormirons pas en tente ce soir mais dans une cabane faite de tôle et de bois, perchéeà flanc de montagne.

 Arrivés au camp 2 à 15h, nous mettons à profit la fin de l'après-midi pour réviser les manip de cordes et techniques d'ascension piolets / crampons sur le glacier. Premier franchissement de crevasse, histoire de s'habituer... Manip d'urgence en cas de chute et sauvetage au piolet.

 Dîner avec les derniers rayons du soleil (17h30). La température diminue si vite que nous rejoignons nos sacs de couchage a 18h pour une nuit qui s'annonce très courte!

Lundi 5 septembre, lever 00h30. Je n'ai quasiment pas dormi. Pas eu froid malgré les -10 ambiants. Thanks again à mon sac de couchage. Chaque expiration dégage dans l'abri un nuage de condensation. Petit déjeuner englouti à la frontale. On s'équipe en vitesse : pantalon + veste goretex, guêtres, baudrier, piolet, trois couches de sous-vêtements. On quitte le camp 2 à 1h30. 20mn de marche sur la partie rocailleuse afin d'attaquer le glacier aussi haut que possible.

Nous chaussons les crampons et commençons l'ascension sur le glacier, piolet en amont, et anneaux de corde dans la main aval. Le guide ouvre la voie. Herve suit en numéro 2 à 6m de corde. Je suis en numéro 3 à 5m. Le guide a souhaité que celui qui avait le plus d'expérience en cascade de glace ferme la marche. Ce détail a son importance... voir plus loin...

 

 

 3h30. Nous atteignons le lieu dit du Campo Argentino (une expé argentine avait bivouaqué pour la premier fois ici, d'ou son nom) : 5450m. Première pause : le Twix a une saveur toute particulière à cette altitude. Nous ne souffrons pas du froid. Il faut dire que nous avons tiré les enseignements de notre première ascension. Cette fois, nous n'avons pas oublié les chaussettes en soie.

Nous reprenons la marche. Nous franchissons plusieurs crevasses sur des ponts de neige. Hervé se paye même le luxe de trébucher et de tomber dans une crevasse. Il se rattrape in extremis avec son piolet, les jambes ballant dans le vide. Fier comme un bouc, il prétendra par la suite que c'est le guide qui l'a déséquilibré en tirant sur la corde.

Nous ne voyons de ce paysage de montagne que ce que nos frontales peuvent éclairer, c'est à dire à 5-10m max. Nous devinons cependant les sommets. La surprise sera de taille lorsque nous redescendrons. Le glacier est tailladé par les crevasses. Les séracs sont nombreux. Mais à la montée, on ne voit rien de tout ça.

Ma frontale tombe en panne. De façon surprenante, j'y vois encore. Pourtant, il n'y a pas de lune. La réverbération de la lumière des étoiles? La pente est raide et nous ne pouvons nous arrêter. Hervé se retourne pour m'éclairer sur les passages délicats. Merci ! Je change de batterie 20mn plus tard.

4h00. Nous arrivons aux crux (partie technique) de l'ascension : un mur de glace quasi vertical (de 80 à 90°) de 25-30m, au pied duquel se trouve une crevasse de 3m de large. Nous n'en menons par large.

Une échelle horizontale a été installée pour franchir la crevasse. Le guide part en premier. Il pose 2 broches a glace sur les 25-30m et se sécurise a la sortie avec une ancre a neige. Hervé passe en 2 et je le suis à 5 mètres. Je comprends maintenant pourquoi le guide souhaitait que celui qui avait le plus d'expérience en cascade de glace ferme la route... En effet, si Hervé chute, le guide peut l'assurer. Mais si je tombe, Hervé tombe aussi, et le guide se retrouve alors avec 130kgs a bout de corde... Donc chute interdite!

Cette partie verticale se grimpe finalement bien. La glace est tendre. Les piolets et les pointes avant des crampons s'ancrent facilement.

Nous reprenons notre marche. On passe de 5600m environ à 5900m en 2h (4h30-6h30). Nous franchissons une petite dizaine de crevasses, de 20cm à 1m50, mais les ponts de neige sont solides et nous ne rencontrons aucun problème.

Je commence à souffrir de l'altitude. Mal de crâne et difficulté à respirer. Mais je continue à avancer dans les pas d'Herve. Heureusement qu'il est là le bougre!   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 6h30. Il nous reste 150m de déniveler a parcourir. Cette dernière partie se révèle très technique : il faut se frayer un chemin parmi des "pénitents", amas de glace et de neige de 1.5m a 2m de haut, formés par le vent. On progresse au piolet. L'ascension se révèle proche de la cascade de glace, sur une pente de 50 degrés. On va quand même mettre 2h pour franchir ces 150m de dénivelé... La sortie était vraiment dégueu.

Remarque : pour ne rien vous cacher, on s'est quand même demande ce qu'on foutait la....

Cette dernière partie d'ascension "ludique" laisse quand même des traces et nous atteignons le sommet très fatigues. Mais la vue est superbe... On voit le Sajama, le plus haut sommet de Bolivie, situé à plus de 300km à vol d'oiseau. On est au dessus des nuages. On n'a jamais été aussi près du soleil. C'est fou comme on est content. Cramés, mais contents!

Le guide nous rappelle à la réalité. 400m plus bas, quatre grimpeurs sont postés en bordure d'une crevasse. Apparemment, un de leur coéquipier s'est croûté dans une crevasse... On attaque la descente. Contrairement à la montée, c'est maintenant moi qui ouvre, Hervé qui suit à 5m, et le guide encordé à 6m. Je mets en pratique deux techniques de descente dans les "pénitents" : la propre, stylée et académique désescalade, et la moins académique descente sur les fesses avec freinage crampons / piolets.

La partie verticale franchie, nous reprenons notre marche en descente. Nous arrivons à la crevasse que nous avions repérée du sommet. Les grimpeurs ne sont plus là. Ils ont dû réussir à sortir leur pote et ont rebroussé chemin... Aie! Problème! Le guide nous fait remarquer que le pont de neige n'est plus là non plus. Nous comprenons enfin : ils ont fait demi-tour après avoir extrait leur coéquipier de la crevasse, et à défaut de pouvoir aller plus loin.

Echange de regards... Il n'y a pas d'autre solution : il va falloir sauter!

On longe la crevasse, à la recherche du meilleur passage. On en repère un. Largeur acceptable : 2m. Nous vérifions que la crevasse n'est pas surplombante et que nous pouvons prendre appui sur sa bordure... On les a toutes petites!

Je saute en premier. Hervé ira en 2. Et le guide en 3. On rajoute de la longueur de corde. Je prends 5m d'élan. Hervé et le guide se sont allongés sur la neige, cramponnés à leur piolet profondément ancré. J'ajuste mes sangles de sac a dos, je checke mes crampons, et je cours... Je passe à l'aise. J'ai sauté très loin avec trop d'élan, donc je m'éclate la gueule dans la neige. Mais c'est passé!

Au tour d'Hervé. Le guide se rapproche et s'allonge à nouveau. Je fais de même de mon coté, cramponné à mon piolet. Pas de problème pour Hervé après trois faux départs.

Nous ré-itérons l'opération et le guide passe à son tour. Gros saut et grosse gamelle à l'arrivée. Le guide a un grand sourire. On se doute qu'il ne doit pas partager ça tous les jours avec ses clients...

NB : nous sommes peut-être les derniers à avoir grimpé le Huayna Potosi cette année. A ma connaissance, un pont de neige ne se reconstruit pas...

11h. Nous atteignons le crux (voir ci-dessus, le fameux mur de 25-30m). C'est la dernière partie technique. Une fois franchie, le plus dur sera fait... Deux solutions : rappel ou désescalade. La présence d'une crevasse imposante au pied du mur rend la descente en rappel délicate. Le guide me demande si je me sens de désescalader au piolet. La glace est tendre et les ancrages faciles, donc j'accepte. Ca se passe très bien. Arrivé en bas, je guide Hervé qui assure comme un chef et sécurise le guide.

Le plus dur est fait. On reprend la marche. On voit maintenant le camp 2. Le soleil tape fort. On marche sur un glacier taillé au couteau. Les crevasses sont partout. C'est beau.

13h30. On ouvre la porte de la cabane du camp 2. Tout le monde s'écroule. Le guide aussi. On comate 30mn puis on refait les sacs de 70 L, direction le camp de base. La joie occulte quelque peu la sensation de fatigue et on atteint le camp de base à 15h30. Ca fait maintenant 14h qu’on est parti.

Une petite soupe et retour sur La Paz. La douche fait du bien. La nuit réparatrice aussi... Je pense qu'on va mettre quelques jours pour récupérer complètement. On ne sait pas encore si on va tenter l'ascension d'un autre sommet de 6000. L'investissement est très important, et on est quand même en vacances...

Retour La Paz. On est cassé. Dîner pizza puis dodo tôt.

Réveil très difficile pour moi. Fièvre. Mal de crâne. Toux sèche irritante. Je crains un OPHA (Œdème Pulmonaire de Haute Altitude). On décide d’aller consulter. Rdv 15h30 chez le docteur Fernando Patiño, spécialisé en haute altitude (thanks Lonely Planet). Osculation, mesure de la saturation en oxygène de mon sang, pouls. Je bats à 103, soit 50 pulsations de plus qu’au repos. Saturation de mon sang en O2 = 89% alors que je devrais avoir 93% (taux normal pour un individu normal à La Paz).  Au niveau de la mer, le taux serait de 98%. Hervé fait les mêmes tests : il s’est mieux acclimaté que moi.

Ouf, pas d’OPHA. Le docteur encourage Hervé à me rappeler de respirer régulièrement. En effet, ma respiration reste calée sur un rythme parisien et mon cerveau n’a pas enregistré le besoin supplémentaire dû à l’altitude.

Soucieux d’un avis médical, nous interrogeons le docteur sur la possibilité d’effectuer d’autres ascensions et de passer les 6500m. Il nous répond qu’on peut y aller sans aucun problème, en veillant toutefois aux signes cliniques d’un OPHA : toux grasse à la montée => descente immédiate.

Courses dans le seul supermarché à « l’européenne » de La Paz : Hervé se rue sur le Dulce de Leche et moi sur le mate de coca.

Visite instructive et très intéressante du musée de la coca. Passage à l’agence Huayna Potosi pour prise de renseignement sur le Sajama 6542m. On se tâte…

7 septembre : Finalement, on ne fera pas le Sajama. Trop long et trop fatiguant compte tenu du temps qu’il nous reste. On opte pour une balade dans le parc national du Sajama en 4*4. Balade dans la ville à la découverte de ses musées (fermés). Renseignements pris sur les possibilités de location de voiture….

 

 

Publié dans Montagne

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